DE 1984 À 2084

Le livre de George Orwell, 1984, écrit en 1949, a connu un grand retentissement. Ce portrait du totalitarisme monstrueux n’était pas seulement prémonitoire. Il était déjà en cours, en Union soviétique et ailleurs.

En introduction : « Le Grand Frère vous surveille. La Guerre, c’est la Paix. La Liberté, c’est l’Esclavage. L’Ignorance, c’est la Puissance. »

Voici quelques citations de 1984, de George Orwell. Réjouissez-vous : les deux dernières seront légèrement réconfortantes.

« Le Parti finirait par faire savoir bien haut que deux et deux font cinq, et il faudrait le croire. »

« (…) croire que la démocratie est impossible et que le Parti est le gardien de la démocratie. »

« On considère que le point de vue des masses n’a aucune espèce d’intérêt. On peut leur accorder la liberté de penser, puisqu’ils sont incapables de penser. »

« Les livres, eux aussi, étaient retirés de la circulation et réécrits encore et encore (…).

« Il leur était facile (au Parti) de mettre à nu, dans le plus infime détail, tout ce que l’on avait fait, dit ou pensé; mais le fond de notre cœur, dont le mécanisme est un mystère, même pour soi, demeurait inviolable. »  C’est moi qui souligne.

« Aujourd’hui, on ne peut rien faire d’autre qu’étendre peu à peu le périmètre de la raison (…), seulement diffuser notre savoir d’un individu à un autre, d’une génération à la suivante. Avec un adversaire tel que la Police de la pensée, il n’y a pas d’autre voie. »

Que dire, après ces extraits glaçants de 1984? – Ceci : Orwell n’avait pas perdu confiance en l’avenir. Même après avoir décrit les horreurs d’un régime totalitaire, il croyait à la résistance foncièrement inaltérable de l’intelligence et du cœur.

À notre tour de nous interroger : quel sera l’état du monde en 2084, sur tous les plans? Au cours de l’histoire, bien des gens ont cru, à tort, que la fin du monde était imminente. À l’inverse, plusieurs ont prédit un âge d’or, grâce aux progrès de la science. Il est vrai que des catastrophes ont eu parfois des effets bénéfiques. Une irruption volcanique, par exemple, comme celle du Vésuve en 79, a permis la découverte des trésors de Pompéi. Au fait, qui sommes-nous pour pleurer sur notre pauvre humanité? Sommes-nous si délicats envers les fourmis que nous piétinons et les poulets que nous assassinons? Du reste, parmi les milliards de milliards d’exoplanètes, il doit bien s’en trouver de mieux gérées que la nôtre. Précisons que les guerres, les pandémies et les famines ne tuent aucun être humain de plus. Elles ne font que devancer leur mort inévitable. C’est la vie qui est la première cause de la mortalité. Que je sois cuit si je ne suis pas cru!

Rassurez-vous. Je vous épargnerai la liste des calamités présentes et futures. Je n’aborderai pas la montée des eaux qui devraient engloutir New York et bien d’autres villes, opérant un retour de l’espèce humaine à sa matrice primordiale. Pas un mot, non plus, sur le Groenland, refuge insupportable de l’ours polaire après la fonte de la banquise. Je me garderai d’évoquer la prolifération d’espèces indésirables – pour nous – qui feront le bonheur de bestioles nouvelles.

Non, considérons plutôt l’avenir avec joie. Mon intuition me dit qu’en 2084, l’égalité entre hommes et femmes sera acquise. Après des siècles d’effacement, voilà que ces dernières pourront enfin sortir le soir sans crainte d’agression. Il leur aura fallu enclencher une grève de la faim et de l’amour, générale et illimitée, pour que les machos prennent peur et que les androgynes se mettent à proliférer. Rapidement, les codes de lois auront été revisités et les textes bibliques et coraniques réinterprétés. L’espèce humaine aura échappé de justesse à l’extinction. Les personnes de genre et de race identifiables seront des minorités visibles. On implantera des puces informatiques aux nouveaux-nés.

Que d’innovations à venir! Mais je dois faire court. Vous voulez vraiment connaître l’avenir? – À cause d’un volume élevé d’appels, nous ne pouvons vous répondre actuellement. Veuillez choisir entre quatre options. Si vous croyez que l’individualisme généralisé nous protège du totalitarisme, faites le 1. Si vous croyez que l’idéal démocratique perd du terrain partout et que les dictatures prennent du galon, faites le 2. Si vous croyez qu’il ne faut pas tuer la beauté du monde, faites le 3. Si vous croyez que la nature aura le dernier mot, quoi qu’il arrive, faites le 4.

En conclusion, l’avenir reste ouvert. Il ne s’agit pas de minimiser les causes naturelles et macroéconomiques des désordres sociaux, mais d’y insérer notre part de choix collectifs. Il est erroné, par exemple, de condamner le 1% de la société pour toutes ses turpitudes, si chaque personne, à son échelle, pense et agit selon les mêmes critères. 2084 sera aussi ce que nous en ferons.