La simplicité volontaire et la décroissance

Serge Mongeau est décédé le 9 mai 2025. Les Éditions Écosociété qu’il a confondées ont tenu un événement-hommage à sa mémoire, le 28 août. Bon nombre de personnes et de collectifs y ont assisté. Ils ont été témoins de l’admiration envers cet homme animé d’un sentiment d’urgence face à une humanité profondément dénaturée. « Toute sa vie, il aura oeuvré à promouvoir plus de justice sociale (…) et éveillé notre conscience collective, en se faisant l’ardent défenseur de la décroissance et de la simplicité volontaire. » (1)

« Aujourd’hui, disait Mongeau, je me rends compte que la voie de la simplicité volontaire ne constitue pas seulement le meilleur chemin pour la santé de ceux qui l’empruntent, mais qu’elle est sans doute l’unique espoir pour l’avenir de l’humanité. » (2)

*photo: L’aut’jounal de juin 2025

« Promouvoir l’être, plutôt que l’avoir, » ce sont les derniers mots de ce livre-phare, paru en 1985 puis réédité ensuite à près de 40000 exemplaires. Serge Mongeau, médecin, aurait pu exercer une carrière lucrative. Après seulement deux ans de pratique, il a tournée le dos à une médecine jugée insoutenable. Il a payé de sa personne en emprisonnement pour ses idées de liberté (1970) puis s’est investi dans l’action communautaire. Il a lancé un cri d’alarme à une société qui fonce vers un mur. Il a proposé des voies de sortie au non-renouvellement des ressources naturelles vitales et à la manière de vivre démentielle qui est la nôtre.

« Il ne s’agit pas, dit Mongeau, de se lancer dans une vie héroïque, dépouillée et misérable. Il y a moyen de vivre sobrement et de s’épanouir; c’est même probablement la voie qui y conduit le plus . » (3)

« 0n ne vit pas de frustration, puisqu’on ne se prive pas d’un bien, mais on choisit plutôt de le remplacer par autre chose qui apporte davantage. » (4)

En un mot, ce substitut – la sobriété – procure un détachement libérateur. « Et cela implique, écrit un altermondialiste, de promouvoir un style de vie qui accorde aux choses matérielles leur place propre et légitime, c’est-à-dire la seconde place et non la première. » (5)

Nous n’avons pas l’espace ici pour énumérer tous les comportements absurdes que nous subissons ou perpétuons par notre aveuglement. Le livre de Mongeau est éloquent sur ces dérives. L’espace manque aussi pour aligner tous les produits nocifs ou inutiles qui encombrent nos vies. L’auteur propose des solutions ingénieuses à nos habitudes de consommation effrénée. 

Certains objecteront que l’option de la décroissance encouragera la passivité des personnes et la stagnation de la production. Qu’il faut, au contraire, agir, produire, favoriser la croissance pour ensuite la distribuer. La vérité, c’est que des choix s’offrent à nous, des choix que nous pouvons refuser car ils sont contre-productifs à long terme. Nous agissons toujours, dit-il, soit en nous associant à l’action de la nature, soit en participant à sa destruction. Il s’agit d’opter pour une économie qui valorise la qualité, plutôt que la quantité, l’utilité sociale de la production et la prise en charge de la disponibilité des ressources naturelles.

« Il ne s’agit pas de revenir en arrière; nous n’avons que faire des épidémies, des famines, des privations extrêmes ou des monarchies absolues. » (6) Il s’agit, au contraire, de prévenir ces fléaux. Or, dans la société actuelle, on crée des emplois, même si ce qui est fait est inutile ou nocif. Il s’agit d’augmenter la production à tout prix. Tant pis pour la santé des populations, la toxicité des produits, l’érosion des terres, la pollution de l’air et de l’eau, le transport des denrées sur de longues distances et la course aux armements pour les obtenir de force. Le travail, lui aussi, pourrait être une source d’épanouissement et de convivialité, ajoute-t-il, alors qu’il concourt à l’isolement mental, à la compétition, à la dépression, aux violences et aux suicides. L’humain est devenu un consommateur, occupé à compenser son vide intérieur, sa solitude et son anxiété par des gadgets aussi inutiles qu’éphémères. Il faut lire cet ouvrage essentiel qu’est La simplicité volontaire. Un testament inoubliable de Serge Mongeau.


(1) Notice nécrologique 

(2) La simplicité volontaire, Les Éditions Écosociété, 2023, page 20

(3) Id, page 208

(4) Id, page 206

(5) Id, E.F. Schumacher, Small is beautiful, page 304

(6) La simplicité volontaire, page 19