Peut-être vous arrive-t-il de vous interroger sur le monde que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants. Le contexte géopolitique actuel est propice à ce questionnement.
Oubliez un instant Donald. Oubliez la guerre tarifaire. Considérez plutôt le temps long de l’histoire. Le passé nous offre des similitudes instructives avec le présent. Car les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Se nourrir, se loger, exploiter les richesses du sol et de la mer, se protéger des prédateurs, embellir son habitat, ce sont là des objectifs millénaires. Bien que l’amitié entre les peuples soit hautement valorisée, les rivalités surgissent à répétition. On joue de ruse, de double langage, de désinformation, de guerre psychologique. Ce scénario, le stratège chinois Sun Zi (Sun Tzu) l’avait théorisé dès le 5e siècle avant l’ère commune. Les idéologies ne sont que des distractions. De même, le génie ou la vulgarité d’un chef d’État ne sont que des accidents de parcours. Le protectionnisme et le libre-échange, à tour de rôle, visent l’hégémonie d’un État. La culture, à moins d’être comptable et négociable, est le plus souvent dédaignée et ses auteurs muselés. Durant la Préhistoire, on se battait avec des roches et des bâtons, de nos jours, on préfère les missiles et les drones. Même morale, même combat.
Les alliances se font et se défont à une vitesse étonnante. Ainsi, les États-Unis fournissaient leur aide à l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès l’armistice, les Russes deviennent les ennemis jurés des Américains. À l’inverse, le Japon, vaincu en 1945, devient rapidement le protégé des États-Unis contre la Chine. Chaque État prépare l’épreuve de force suivante. Les peuples dits souverains sont, de fait, assujettis à quelques grandes puissances qui tendent à s’en servir comme clients, fournisseurs ou chair à canon. En voici quelques exemples, choisis au hasard :
- Au 4e siècle avant l’ère commune, Philippe de Macédoine et son fils Alexandre le Grand s’emparent de la Grèce, non pas pour exterminer ses habitants, mais pour les mobiliser contre un ennemi commun, la Perse.
- Au 19e siècle, le chancelier prussien Bismarck (1815-1898) annexe une portion de l’Autriche en ménageant habilement l’Angleterre, la France et la Russie. Il se garde d’humilier le peuple autrichien, de culture germanique, dont il aura besoin ensuite pour réaliser l’unité allemande. Au siècle suivant, un autre chancelier, prénommé Adolf, tentera la même stratégie avec moins de subtilité.
- Les États-Unis actuels semblent vouloir pratiquer un arbitrage entre l’Europe et la Russie occidentale, pour se servir un jour de ces deux forces historiquement complémentaires pour affronter la Chine et ses alliées, Sibérie comprise.
Si cette hypothèse est avérée, le Canada se situera à mi-chemin entre deux puissances rivales, comme l’a été l’Ukraine tout au long de son histoire. Si l’océan Arctique s’ouvre à la navigation, comme prévu, on peut prévoir que l’Alaska, le Canada et le Groenland feront bloc pour assurer leur souveraineté sur le passage du Nord-Ouest. Notre économie et notre défense seront de plus en plus intégrées à celle du grand frère continental. Qu’un président soit délicat ou insensé, que les Canadiens soient invités ou contraints de changer d’identité, une chose est certaine : le castor canadien sera toujours coincé entre l’aigle et le dragon.
Le mot de la fin
Il est permis de faire une lecture autre de la marche de l’histoire où des valeurs éthiques différentes de la force brute seraient à l’œuvre depuis la nuit des temps. Il se peut que la sagesse et la bienveillance soient tapies dans l’ombre de notre humanité. Ce n’était pas mon propos ici.