Les 250 ans d’un voisinage périlleux

« Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter et à commettre les mêmes erreurs. » (George Santayana)

L’actualité m’a rattrapé! Bonjour!

En 2026, les États-Unis fêteront le 250e anniversaire de leur indépendance. On peut penser que le président actuel exploitera au maximum un mythe cher aux Américains, à savoir la destinée manifeste de leur expansion territoriale et la mission civilisatrice qui lui est associée. 

Examinons donc, dans cette optique, quelques épisodes significatifs de nos relations avec notre voisin. Cinq dates retiendront notre attention : 1775, 1812, 1837, 1864 et 1911.

Retour sur vos belles années d’études!

1775

À la veille de la Déclaration d’Indépendance américaine, les Montréalais se sont transformés en Yankees pendant un an. Une invasion venue du sud s’était produite sans effusion de sang. Elle avait même suscité plus ou moins d’indifférence parmi les habitants. À sa tête, le général américain Montgomery avait établi ses quartiers au Château Ramezay. Benjamin Franklin y avait séjourné aussi, dans le but de gagner les Canadiens à la cause révolutionnaire. De son côté, Benedict Arnold s’avançait vers Québec. Le gouverneur britannique, Guy Carleton, consterné par le peu de loyauté de la part des sujets de Sa Majesté, faillit y laisser sa peau. Par chance pour lui, des renforts firent leur apparition. L’invasion tourna au désastre. La mort de Montgomery et la débandade d’Arnold mirent fin au projet de conquête. Au Congrès continental de Philadelphie, Benjamin Franklin déclara que l’opération devait être reportée. Il sera moins coûteux, aurait-il dit, d’acheter éventuellement cette colonie.

1812-1814

Ces trois années marquent le dernier conflit armé entre Américains et Britanniques sur notre sol. En Europe, l’Angleterre est aux prises avec Napoléon. Elle doit relâcher la défense de ses colonies. Au début, sa marine se borne à arraisonner les navires des États-Unis, un pays non belligérant, mais commerçant avec la France. Les Américains répliquent en attaquant le Canada.

La guerre se termine en 1814, sans victoire décisive pour chacune des parties. Les Américains sont divisés entre eux. Les États du sud arrachent une partie de la Floride et chassent les Anglais du fleuve Mississippi. Ceux du nord ne réussissent pas à s’emparer du Canada. Ils incendient York (Toronto), mais la ville de Washington subit le même sort. Des Canadiens, comme Salaberry, prennent le parti de l’Angleterre. Pour la première fois, les deux Canadas manifestent un certain nationalisme. Mais bientôt sera énoncée la Doctrine Monroe (1823) condamnant toute intervention européenne dans les affaires de l’Amérique, et vice-versa. On clamera « L’Amérique aux Américains ». Le Canada n’a qu’à bien se tenir!

1837-1838

Les rébellions dans les deux Canadas n’ont pas sérieusement menacé l’intégrité du territoire, pour une raison majeure : les États-Unis ne désiraient pas mettre en danger une paix relative avec la Grande-Bretagne. Les gardes-frontières des deux côtés allaient même jusqu’à s’informer des déplacements des rebelles. Des sympathisants américains secouraient discrètement certains d’entre eux, mais le président Van Buren et ses agents étaient davantage affairés à anéantir les autochtones de l’ouest et du sud du continent. Les frontières canado-américaines ne seront fixées qu’en 1842. La conjoncture a donc permis au Canada d’exister.

1864

Le Canada d’alors redoute une invasion militaire de la part des États-Unis, déchirés par la guerre de Sécession. Les États du sud ont l’appui de la Grande-Bretagne. Advenant leur victoire, croyait-on, les nordistes compenseraient la réduction du territoire américain par l’annexion du Canada. Déjà, des Fenians (Américains de souche irlandaise) préparaient l’assaut. Pour parer à la menace, le gouvernement canadien de John A. Macdonald, conservateur, et le parti d’opposition dirigé par George Brown – deux adversaires coriaces – s’unissent en un seul bloc libéral-conservateur et mettent sur pied le projet de fédération de quatre provinces. L’élite de l’Ontario, la bourgeoisie financière de Montréal et la Grande-Bretagne imposent cette relation non consentie, mais jugée nécessaire.

1911

Wilfrid Laurier, libéral, est premier ministre depuis 15 ans. L’usure du pouvoir, sa rupture avec Henri Bourassa et la contestation de plusieurs lois par les conservateurs fragilisent son parti. À la veille de l’élection, le Traité de Réciprocité avec les États-Unis, un projet de libre-échange soutenu par Laurier, mais dénoncé par Robert Borden, va donner le coup de grâce au parti libéral. Un entrefilet dans un journal de New York rapporte une indiscrétion du président américain Taft. Selon ce dernier, ce traité plongerait le Canada dans un désastre financier et hâterait son annexion. Le parti conservateur, exploitant l’indignation populaire, remporte l’élection.  Le traité est suspendu.

Conclusion

N’importe quel État limitrophe d’un puissant voisin est susceptible d’être annexé ou subordonné tôt ou tard, de gré ou de force. Le Tibet face à la Chine, l’Ukraine face à la Russie, l’Arménie face à la Turquie en sont des exemples. Mais certains États réussissent tant bien que mal, et par intermittence, à limiter les dégâts et à maintenir une certaine indépendance. La Finlande et l’Irlande, Taiwan et Cuba sont dans ce cas.

L’histoire du Canada est à suivre.