Volkspark Friedrichshain

Photo: https://www.berlin.de/en/

Tout le monde le fait, tout le monde le dit : Je suis allé en voyage et c’était formidable !

Oui, mais encore ? Je me suis demandé l’autre jour, dans un éclair de lucidité : pourquoi ? Pourquoi on se tape des voyages souvent éreintants, ou qui tournent au vinaigre, et on recommence. Les agences de voyages appellent ça des voyages d’agrément !

Il y a quand même toutes sortes de motivations : les plaisirs de la plage au soleil pendant que vos voisins s’occupent de pelleter votre entrée de garage ; les tout-inclus, où vous n’avez qu’à suivre le troupeau sans vous poser de questions… sauf si vous perdez le groupe dans une ville dont vous avez oublié le nom, et que toutes vos affaires — passeport, programme — sont restées dans l’autobus.

Les voyages d’aventure ? Ah ça, c’est bon pour apprendre à vous débrouiller tout seul quand votre voiture de location vous lâche dans un pays étrange où personne ne vous comprend. Les croisières dans un gros cargo qui transportent une ville au complet sur toutes les mers du monde, et qui s’arrêtent juste le temps de faire le plein… et le vide. La satisfaction de vous délecter d’un piña colada à Porto Rico, d’un mojito cubain, ou pourquoi pas d’un blue Hawaii. Où est-ce qu’on est rendus aujourd’hui ? Et puis, il y a ceux qui veulent connaître le vrai monde, manger la même poutine qu’eux, dormir chez eux, apprendre quelques mots de leur langue. Ça, c’est peut-être vous, gens de FAM. Il y a des gens qui se disent : « Oh là, je veux faire un voyage… mais pour ajouter au plaisir, j’aimerais apprendre une langue étrangère. » Étrangère, dans le sens que vous ne pourrez plus la parler une fois revenus sur terre (ça, c’est chez vous) — et que vous n’aurez personne avec qui la pratiquer. Appelons-la l’Étrangère. Vous pourrez toujours pratiquer votre prononciation pour ne pas oublier… en vous regardant dans le miroir le matin, au lieu de juste faire des grimaces.

Vous riez ? Mais vous vous trompez. C’est du moins ce que disent tous les conférenciers qui vendent des trucs pour garder votre mémoire active (et éloigner l’Alzheimer qui vous guette quand l’âge vous rattrape) : apprendre une autre langue est très bon pour la mémoire. Si vous n’avez jamais assisté à une telle conférence, je vous mets en garde. Dès le début : la question qui tue — « Levez la main, ceux et celles qui connaissent une deuxième langue. » Et bien sûr, presque tout le monde lève la main. Mais ne vous y laissez pas prendre : si vous êtes la cible du conférencier ou de la conférencière, et que vous répondez « Je parle anglais », vous allez faire patate. Pourquoi ? Demandez à n’importe quel Franco-Ontarien. Ceux-ci ont une expression amusante et sarcastique : l’anglais, on ne l’apprend pas, on l’attrape. Et toute la salle va bien rire.

Il faut bien vous préparer pour choisir quelle langue pourrait vous intéresser, vous cultiver, et dans quel pays il serait intéressant de suivre des cours intensifs — mettons pendant six semaines. L’espagnol ? Bah, pas très original, déjà que vous connaissez des centaines de mots, parce que le français et l’espagnol viennent du même lit. Mais vous pouvez ajouter un niveau de difficulté: par exemple, choisir une école d’espagnol langue seconde… à Berlin. Tout le monde sait que des milliers d’Allemands vont en Espagne chaque année, spécialement sur la Costa del Sol pour le soleil (pléonasme ici), et que des milliers d’Allemands apprennent l’espagnol dans les écoles de langues à Berlin, pour mieux choisir leur cerveza sur une terrasse face à la mer. Par exemple, l’école bien connue Das Akademie, située sur la place Rosenthaler, à l’intersection de deux grands boulevards. C’est un endroit très bien situé, très animé. Donc le jour en classe avec les amis de Cervantès pour se casser la tête, le soir au pub avec les amis de Goethe pour trinquer à la santé des Berlinois.

Justement, la nuit passée, j’ai rêvé que nous avions pris un forfait pour aller parfaire notre espagnol dans cette Akademie — moi, ma conjointe, et un couple d’amis de longue date. Surprise: nous étions les seuls étudiants francophones dans notre groupe de classe, intermédiaire 2. Ah ben! Avez-vous déjà entendu des étudiants allemands parler espagnol? Mon seuil d’écoute était largement dépassé. Le sommeil étant toujours plutôt de type houleux dans mon lit, à la sortie des cours ce soir-là, j’avais pris l’initiative de passer par le parc Volkspark Friedrichshain (avec l’accord, euh… OK, de mes amis). Un grand parc avec des sentiers de marche, une fontaine magnifique… très ancien, toujours très animé, peuplé de fêtards, de sportifs, ou simplement de randonneurs. Quand-même plus agréable que prendre le bus comme à l’habitude pour retourner à notre appart, mais ce fameux parc est à deux kilomètres de l’école. Ce n’était pas la meilleure idée, j’avais oublié que mon ami – mon beau-frère en plus de ça – venait de subir un remplacement de genou et il ne pouvait pas se taper toute cette distance à pied. Enfin arrivé au parc, il s’est subitement allongé près d’un arbre – un tilleul magnifique – après avoir monté un long escalier, parce que dans ce parc il y a des escaliers. Quelle idée!  Je voyais bien qu’il n’allait pas pouvoir reprendre la marche. Tout se mélangeait dans ma tête, et sous le stress du moment je cherchais comment on dit « J’ai besoin d’aide » en allemand … comme si j’apprenais l’allemand et non l’espagnol à l’école. Les mots ne voulaient pas sortir de ma bouche. Je haletais. Je me suis réveillé le coeur à fond la caisse, et cela ne prouve pas qu’apprendre une langue seconde améliore la mémoire … mais ça vous fait faire des rêves, des années plus tard qui sont bons pour la santé du coeur!

Et ce fameux parc, en pleine ville, mérite toute notre attention. Si un jour vous allez à Berlin, faites-y un petit tour — bien sûr, si la marche ne vous déconfite pas trop. En attendant, vous pouvez toujours prendre quelques minutes pour admirer et écouter la plus belle musique qui convient à un tel endroit.