ILS ONT AUSSI ENCHANTÉ LE MONDE 

Introduction

En cette période festive chez nous, mais si trouble au Proche-Orient, examinons brièvement l’histoire de trois sociétés ayant eu Jérusalem pour patrie affective : Hébreux, Arabes et Chrétiens. À travers des montagnes d’erreurs, on trouve des pépites d’or civilisationnelles qui font honneur à l’humanité. Leur apport culturel a été prodigieux. Au-delà de leurs divergences politiques et religieuses, on doit reconnaître le génie de ces peuples sur les plans technique, scientifique, philosophique et artistique. Souhaitons que leurs enfants, s’ils survivent, ne soient pas tenus, dans vingt ans, de se venger pour la millième fois.

L’histoire sainte

Les personnes les plus âgées d’entre nous se souviennent de cette expression. Il s’agissait, à l’école primaire (!), d’apprendre le répertoire des malheurs subis par les Hébreux, de la part des Philistins (Palestiniens), Babyloniens (Irakiens), Perses (Iraniens), Assyriens (Syriens) et autres. Le texte ne s’attardait pas sur les merveilles d’architecture (les jardins suspendus de Babylone, par exemple), ni sur les trésors de ces peuples en musique, poésie, astronomie, orfèvrerie, mathématiques et arts de toutes sortes. Les souverains étrangers utilisaient les talents de leurs sujets les plus doués, sans distinction de leur origine tribale. Nos manuels scolaires passaient sous silence la fraternité de chacun d’eux. Par exemple, la tolérance de Cyrus, roi des Perses, à l’endroit des Hébreux, était escamotée. L’appétit des envahisseurs pour l’or, les parfums ou les esclaves était vu comme une abomination, mais perçu comme un cadeau du ciel envers le peuple élu! Enfant, je trouvais suspect ce double standard. Je supposais que les poètes de tout bord aimaient chanter la beauté des rives du Jourdain.

L’histoire sainte se poursuivait. À Bethléem, un enfant juif nommé Jésus se distinguait. Il était adoré, dit-on, par trois rois mages venus de l’Orient. Plus tard, il enseignera l’égalité et l’amour de tous les hommes. Puis, l’Empire romain s’écroule. Deux siècles plus tard, un peuple venu de la lointaine Arabie s’impose au Proche-Orient. Il fait preuve, somme toute, d’ « une grande tolérance envers les possesseurs du Livre, juifs et chrétiens ». (1)  Un poète persan, Omar Khayyam (1047-v. 1122) subtil lettré musulman, auteur de traités scientifiques en astronomie et en mathématiques ne manifeste aucun antisémitisme. Il écrit :

Les beaux chants de David, entends-les sur ma lyre. Tu mets dans tous les coins une embûche cruelle, Seigneur, et tu nous dis : « Malheur à l’infidèle! » Tu tends le piège et puis quiconque y met les pieds, tu le prends dès qu’il tombe en le nommant Rebelle!

C’est en Espagne que le raffinement intellectuel arabe est le plus stupéfiant. Des philosophes, comme Averroès, éblouissent les penseurs juifs et chrétiens. Ceux-ci ne sont pas en reste, avec Maimonide (juif) et Thomas d’Aquin (chrétien).

Selon plusieurs,  la pensée arabe fut la pédagogue de la science européenne.  

À Grenade, Cordoue et Tolède – des joyeux d’art par excellence- l’harmonie existe entre l’élite juive et arabe. Jusqu’au milieu du XIe siècle, de nombreux juifs occupent des postes importants auprès des souverains arabes, grâce à leurs compétences linguistiques et économiques. À l’opposé, sous l’impulsion de la papauté, les rois chrétiens organisent huit croisades contre les musulmans (1100-1270). Ces entreprises à la fois politiques, économiques et religieuses vont tout gâcher. De plus, des pogroms à répétition sont menés contre le peuple déicide (les Hébreux) à l’occasion de fléaux naturels, comme la Peste noire.

L’esprit chevaleresque entre guerriers. Une anecdote.

Lors de la Troisième croisade, musulmans et chrétiens sont aux prises.

Sur la route de Jérusalem, Richard Coeur de Lion apprend que les puits ont été empoisonnés et que son armée n’aurait rien à boire. (…) Au cours d’une bataille, Richard perd sa monture. Le sultan Saladin lui envoie un destrier, disant que ce serait une honte qu’un si fier guerrier dût combattre à pied.

La même année, Richard tomba malade. Dans sa fièvre, il demandait avec des cris des fruits et une boisson glacée; Saladin lui envoya des poires, des pêches, de la neige et son propre médecin. Finalement, on signe une paix de trois ans : ils se partagent la Palestine (1192). (2)

L’époque moderne

Les invasions mongoles de la fin du Moyen-Âge (Tamerlan, v. 1400) et la maîtrise maritime croissante des Européens fragilisent la coexistence entre les peuples du Proche-Orient. En Espagne, la fraternité latente entre Juifs et Arabes se fissure avec leur expulsion commune du Royaume, pour refus de leur conversion forcée au catholicisme, gracieuseté du tribunal de l’Inquisition et de la reine Isabelle de Castille (1493).  Les autres puissances européennes s’acharnent à leur tour contre le peuple errant, (les Juifs) malgré la contribution formidable de ces derniers à la vie culturelle. Je vous épargne la suite.

En terminant …

C’est une année 2024 plus apaisée que nous désirons tous. Je vous la souhaite heureuse sur tous les plans : personnel, familial, humanitaire.  À l’exemple du regretté Karl Tremblay, il faut absolument apprécier la beauté parfois discrète de ce monde confus.

«  Son amoureuse et co-Cowboy, Marie-Annick Lépine, a écrit qu’il était un homme heureux, qui trouvait le bonheur plus émouvant que le malheur. Des moments heureux, il en aura semé abondamment. Il nous appartient maintenant, collectivement, de les faire vivre encore longtemps. » (3)

À nos collègues du Conseil d’administration et aux membres de la FAM, Joyeuses Fêtes!

  1. Le petit Mourre, Islam, page 595
  2. Durant, Will, Histoire de la Civilisation, Livre XII
  3. Bourgault-Côté, Guillaume, Comme un grand cœur battant,  L’Actualité, Janvier-Février 2024, page 15.