« Rencontre du troisième type »

SCÈNE 1 : Nous sommes au 6e siècle avant J.-C. Dans l’œuvre majestueuse d’Homère, l’Iliade, le dieu de la mer Poséidon règne sur les océans. La Grèce antique, constituée d’une multitude d’îles, a un besoin absolu de la protection de Poséidon pour voguer sur la mer méditerranéenne. Dans toutes les grandes civilisations de l’antiquité, il y a toujours eu des êtres plus grands que nature, des esprits supérieurs. L’univers est constitué d’êtres pensants qui n’ont pas nécessairement un corps physique comme les humains.

SCÈNE 2 : Plus de 2000 ans plus tard, au XVIIe siècle, René Descartes, le révolutionnaire mathématicien et scientifique, remet tout en question. Avec son approche logique, il invente la philosophie moderne, rationnelle, qui met la conscience au centre du discours. Le monde entier retient de son Discours de la Méthode une toute petite phrase assassine : « Je pense, donc je suis. » Ainsi par exemple, même si le pape Urbain VIII a imposé à Galilée de renier ses écrits dans lesquels la Terre n’est pas au centre de l’univers, mais qu’elle tourne autour du soleil, celui-ci aurait quand-même affirmé : « Et pourtant, elle tourne! » Et à peine 4 ans plus tard, Descartes avec sa philosophie rationnelle venait confirmer le principe de Galilée.

SCÈNE 3 : Nous voilà au XXe siècle, le siècle de tous les possibles. Dans tous les domaines, artistique, scientifique, médical, il y a une explosion de découvertes et de créations. La philosophie doit se réinventer pour suivre le trend. De grands noms apparaissent, tel que Sartre qui publie L’Être et le Néant en 1943. Un saut majeur vient d’être franchi. La philosophie se réinvente et avec elle, une nouvelle façon de comprendre l’Univers et la place de l’homme dans ce monde. L’Univers doit être conscient pour exister. Comme pour se voir dans un miroir. Sinon c’est le Néant, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’Univers. C’est l’acceptation ultime que dans cet univers immense constitué de deux mille milliards de galaxies qui contiennent en moyenne environ 100 milliards d’étoiles, et donc encore plus de planètes qui tournent autour de ces étoiles, il existe certainement des milliards et des milliards d’êtres pensants, et ceux-ci n’ont pas nécessairement une forme physique comme les humains.

SCÈNE 4 : La machine qui pense, qui sait qu’elle existe, qui n’a pas besoin de neurones, d’eau, d’air, d’oxygène, pour subsister. Depuis le lancement de cette idée il y a déjà un demi-siècle, les cinéastes ont bien joué leur jeu en prenant pour acquis que tout ça existe bel et bien. Et le grand gagnant de cette course vers les oscars a été le fameux film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick en 1968. Une aventure qui a marqué mon intellect lorsque j’étais étudiant en sciences à l’université. Je me souviens encore de plusieurs séquences particulièrement angoissantes, dont celle où le commandant du vaisseau spatial, Dave, se glisse (en apesanteur) dans l’enceinte du grand ordinateur qui gère tout à bord. Il est bien résolu à déconnecter le module qui est capable de penser comme un humain, qui est conscient qu’il existe. L’ordinateur, HAL 9000 qu’il s’appelle, est devenu son ennemi. HAL sait ce que Dave veut faire, et l’implore : « Dave! Dave, don’t do that! Do not do it please. »

SCÈNE 5 : La table était mise pour le grand public. Les films de science-fiction et les séries télévisées ont déferlé depuis ce temps. Pas toujours très scientifiques, disons films d’anticipation, dont Star Wars, Alien, Star Trek, E.T., Matrix, et Avatar bien sûr, de James Cameron. Mais le nouveau-né dans ce registre, notre cinéaste Denis Villeneuve n’a pas dit son dernier mot. Après son fameux DUNE, le voici qu’il nous conduit plus loin encore avec DUNE 2. En Imax, ça va de soi. Et nos places sont déjà réservées au cinéma Banque Scotia sur la rue Ste-Catherine pour le 5 mars. Le grand-père, le fils, et les deux petits-fils. S’en suivra certainement une fusion nucléaire intergénérationnelle. Ne vous inquiétez pas, ce sera très pacifique.

SCÈNE 6 : Ça devait arriver un jour, mais personne n’aurait pu penser qu’il faudrait se poser la question tout de suite, là, maintenant. La question qui tue, comme dirait Guy A. à Tout le monde en parle. Est-ce que les super ordinateurs, créations de l’homo sapiens, pourraient un jour être conscients qu’ils existent, oui, au même titre que leurs créateurs? Ceux mêmes qui ont créé ces super ordinateurs auxquels on attribue le titre ronfleur d’intelligence artificielle se posent sérieusement la question : « Est-ce que ma création pourrait un jour devenir consciente qu’elle existe et devenir mon ennemi à abattre? » On est devant une grande peur existentielle, aussi importante que le jour où la bombe atomique a été inventée. Et le monde devra apprendre à vivre avec, comme le monde aujourd’hui a appris à vivre avec la bombe au-dessus de sa tête.

CONCLUSION : J’imagine que vous aimeriez savoir pourquoi Dave était obligé de déconnecter le cerveau de HAL. À bord de Discovery One qui se dirigeait vers Jupiter lors d’un long voyage où tout l’équipage était maintenu dans un état d’hibernation jusqu’à destination, seul le commandant Dave et son assistant Frank étaient actifs et voyaient à la réussite de la mission. Regardez ce petit dialogue entre les deux belligérants Dave et HAL, et vous comprendrez tout :