*Image: François Bélair – Les Appalaches traversent la Pennsylvanie, avec des collines faites toutes en longueur. Partout, on est entouré de murs de végétation.
Nous sommes en octobre 1962. Des missiles à têtes nucléaires soviétiques sont installés à Cuba, et sont pointés en direction de l’Amérique. J’avais 18 ans. Et je dévorais tout ce qu’il y avait de disponible comme information, malgré que les ressources étaient très limitées à cette époque, La Presse, le New York Times, CBS. Je n’ai jamais oublié ce moment tragique de l’histoire humaine. La guerre froide, qu’on disait, mais on suait. Tu es trop jeune cher lecteur, pour avoir vécu ce drame, Passe-Partout n’en disait pas un mot à ses petits auditeurs. Et toi, le baby face, tu n’avais même pas encore ouvert les yeux pour voir ce monde de beautés et de méchancetés dans lequel on venait de te garocher. Nous les universitaires, on ne discutait pas de pollution ou de changements climatiques. Autour d’une table remplie de bouteilles de bières vides, on se confortait dans les après-guerres nucléaires qui viendraient certainement un jour assombrir notre beau ciel bleu. On déployait notre génie, comme des savants à l’École Polytechnique, à imaginer comment on ferait pousser nos patates et carottes dans une terre exempte de strontium. Et on riait, comme si l’avenir peu importe comment, serait drôle à mort.
Et coup de théâtre, le 26 décembre 1991, c’est la mise au rancart du grand empire russe, appelé l’URSS, et la création de « La Communauté des États indépendants », la CEI. Le chef suprême Mikhaïl Gorbatchev a démissionné la veille, notre jour de Noël pour les Occidentaux, et a transféré le control des Armes atomiques dans cette nouvelle fédération à Boris Eltsine. Le drapeau soviétique est remplacé par le drapeau russe sur la Place Rouge. Dans ce bouleversement éclair, L’Ukraine a signé, comme 11 républiques ex-soviétiques, pour adhérer à la nouvelle CEI. Kiev, renommée Lviv par les Ukrainiens, célèbre son premier jour d’indépendance le 22 janvier 1989, et on connait la suite…
Les barrières sautent, le rideau de fer fond comme neige au soleil, et ce dont les grands voyageurs de ce monde n’avaient jamais osé rêver, se déroule sous nos pieds comme un tapis rouge: La Place Rouge est remplie de touristes occidentaux, chinois, japonais. La Chine emboite le pas, et voici que la Cité Interdite est envahie par une marée de visiteurs à la recherche de secrets bien gardés. On visite Ho Chi Minh, comme on visiterait New York. Et Hanoï, ex-ville ennemie jurée des Américains, nous émerveille. Mais on se doute bien que le monde politique est un jeu d’équilibre instable. Il suffit d’un dérapage, d’une glissade sur une pelure de banane, pour que tout prenne feu. Et on retourne à la planche à dessins pour redessiner les frontières, à coups de millions de vie, de destructions massives, de tonnes de bonté passées par-dessus le bastingage.
Ce mois-ci, le monde a les yeux tournés vers les Américains, avec leurs choix déchirants à faire aux urnes. On croirait que c’est le sort de la planète entière qui se joue, et que le sort est entre les mains d’une poignée de personnes, à cause de la façon dont les élections se jouent chez nos voisins. Même que notre télévision d’état nous donne le sentiment que nous devons aller voter, tellement les téléjournaux et émissions spéciales convergent vers ces élections! On nous met sous pression avec les États pivots, ces états qui changent de couleur d’une élection à l’autre. C’est ceux-ci qui feront toute la différence, et non les états qui sont reconnus comme Républicains ou Démocrates. Pour quelques milliers de voix de différence aux urnes, le reste de la planète sera peut-être comme-ci, peut-être comme-ça. Un de ces états pivots importants par son nombre de grands-électeurs est la Pennsylvanie : 20 grands-électeurs qui vont tous d’un côté ou d’un autre peut faire toute la différence pour l’avenir de ce pays.
Donc on ne s’est jamais tant intéressé à la Pennsylvanie! On connait peu cet état qui pourtant est immense, et on le traverse sans trop y faire attention quand on se rend jusqu’à Washington en voiture. Philadelphie, la très grande ville industrielle est prise en sandwich entre New York et Washington. Cette ville a été le théâtre de la fondation même des États-Unis d’Amérique. L’autre grande ville est plutôt très loin à l’ouest, pour nous Montréalais, au sud du lac Érié, une ville qui mérite d’être mieux connue pour ses musées, et surtout pour ses ponts qui enjambent 3 rivières. Mais ce qui caractérise le plus la Pennsylvanie, c’est ses grandes plaines entourées de montagnes, de superbes fermes, des centaines de petites municipalités et villages. C’est là, dans ces immensités vertes qu’aura lieu la joute pour la Présidence des États-Unis le 5 novembre prochain. Tous les pays de la Terre auront les yeux et oreilles tournés vers ce bout de continent. Ce sera l’heure de gloire de la Pennsylvanie. En attendant on peut toujours faire un petit tour pépère dans cette belle contrée élégament vêtue par les Appalaches. Je vous propose une vidéo d’un fier Québécois qui a surement eu le coup de coeur pour ces beaux paysages: